09 mars 2007

Pat ! Merci...

(Partie 3 - Suite et fin)


Pat ! La dèr'


J'entre, on me salut. Je n’y réponds plus. Désormais, je ne viens que pour te retrouver. Qu’importe, eux tous, sont ici pour une raison bien déterminée. Cette fameuse et si vraie exacte raison de « cause à effet ».

Pat’ !
Merci !

Me voilà engagé, ces derniers jours n’étaient que supplices, ce soir, je voudrais te revoir.
Où es-tu ?

Pat’ !
O.K ! Il faut que je vienne à toi. Musique de fond, blues comme il se doit. Fumée de comptoir, commentaires inutiles mais vrais, car ceux qui l’énoncent savent de quoi ils parlent.

Pat‘ !
Je me fous de tout. Où te caches-tu ?
Derrière ces bulles, cette fumée, cette guitare solo... où ?
Derrière moi, derrière mes pensées… mes souvenirs, ça c’est sûr.

Pat’ !
Je m’enfonce, me noie, me perds… mais pire que tout… te perds.
Faudrait-il que ce soit la dernière ?
Celle qui ferait qu’il n’y aurait plus de raison d’être.
Celle qui par une nuit étoilée me ferait éteindre la lumière qui m’aiderait tant à dormir.

Pat’ !
Je ne t'ai pas vu.
La musique s’amenuise, la fumée se disperse, les discours stoppent. Et toi, tu n’es pas venue…

Pat’ !
Rien n’y fait, d’ailleurs il me dit que c’est la dernière et que je suis le dernier. Il doit fermer et moi rentrer.

Pat’ !
Rien.

Pat’ ! La der’…
S’il te plait…

Pat’ ! Pat’ ! La der’…

Pat’ !... Il faut que je la retrouve…

Pat' !
Non !
O.K !
Demain j'irai la retrouver ailleurs...


Arto Joe

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23 février 2007

Pat ! Merci...

(Partie 2)

Pat ! La même...

A mon arrivé le bar semblait s'asseoir sur ses bases. Le vieux, le jeune et les autres m'attendaient. Comme il se doit j'offre la mienne.


Merci, Pat' !

Celui-là vous le savez, direct en profondeur. La journée se termine, la nuit peut commencer et c'est alors que l'esprit voyage comme une bulle. Personne ne sait où elle ira...


Pat' ! la même...

Ma cigarette s'allume, je souffle et ton visage m'apparaît flou. Que se passe t-il ? Tu es là ou pas ?

Je me prends à rêver. Le bar est enfumé ton visage est clair... ce visage.

Mais voilà que pendant le processus de claircissement tu t'arrêtes au stade flou. Je persiste et signe...


Pat' La même...

L'atmosphère se fait lourde, je sue mais j'ai froid. Le temps s'est écoulé, les verres ont coulés et pourtant tu parais si loin.


Pat' ! La même...

Que reste t-il ?

Mon verre, ma clope, moi... et ton visage toujour enfumé. Pourvu que tu me reviennes aussi clair qu'autrefois. Autrement, je devrais m'effacer à mon tour. Oublier le plaisir des bulles. Perdre mes indispensables. Je t'espères, reviens-moi.


Pat' ! (Cela suffit... le verre est rempli)

Mais moi, je suis en manque de toi, de ton visage. Tu n'es que photo en noir et blanc, j'aime cet art mais je voudrais de toi faire mes couleurs.

Tu es là, je te voie disparaître, tu me regardes essayant de te retenir...


Pat' !

Merci...


Pat' !

Merci...

Arto Joe

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22 février 2007

Pat ! Merci...

(Partie 1)

Pat! La Même chose


J'entre pour la énième fois (C'est la formule pour ne plus compter), les piliers de bar saluent leur poteau manquant.
Je leur retourne leur politesse.
Il manque comme une évidence...


Ah ! Le voilà !
Merci Pat'.

Celui là sera vidé d'un trait, ce n'est qu'une mise en bouche (On pourrait dire, mise au gosier).
Passons aux choses sérieuses, un deuxième...!

Lorsqu'elle est tirée la bière est froide, pourtant elle est chaude à l'intérieur. Personne ne fait attention à ce genre de détail...

Pat' ! La même chose !

Je tousse en allumant ma cigarette - l'énième aussi -, les verres succèdent aux clopes et les clopes aux verres.
Revoilà ton visage. Revoilà l'image du pourquoi de mon devenu.
La première fois que je t'ai vu, c'était dans un bar comme celui-ci.

Une noyade annoncée... une rasade de plus et jamais plus tu ne disparaîtrais comme moi que l'on ne sauvera plus.
Le bruit incessant autour de moi, s'intensifie, je peux hurler maintenant, on ne m'entend plus, on ne me voie plus, j'ai disparu.

Pat'! La même chose !

Que reste t-il ?
Une ombre, des ombres, mon ombre... et ton visage toujours aussi clair.
Pourvu que jamais tu ne disparaisses. Autrement la seule raison de ma présence ici ne serait plus.

Amer plaisir, sombre plaisir...
Mon prétexte c'est toi, pourtant tu en es la raison aussi.

Pat'! (ça va il le sait, il me connaît...)

Mais moi je ne te connais pas, visage clair. Tu es là, je te voie, tu me regardes me noyer...

Pat'!


Arto Joe

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09 février 2007

Escales

Du noir comme décors,

Du noir sur les traces du temps,

Des tourbillons de souvenirs morts,

Des escales comme je mens,

Ta vie dans la mienne,

Il ne reste que tes maux,

Si l'amour est une chienne,

Je n’en garde que les crocs,

Dans mon coeur meurtrie,

Un tatouage de sang,

Une trace de ta vie,

Dans mes errances d’antan,

Le noir de la mort,

Le noir comme ciment,

Des tourbillons de remords,

Des escales de temps en temps.

Arto Joe

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Retour de flamme !!!

Je m'attendais à ce qu'elle me jette comme un mégot trop consumer.
Je m'attendais à ce qu'elle me trouble tel l'eau le pastis.
Je m'attendais à ce qu'elle fasse de moi le dernier chiotte du dernier client... "sur le trottoir".

Il n'en fut rien.

Elle me regardait refermer la porte avec le sourire de ces mannequins qui venaient tout juste de s'empiffrer un rail. Le temps d'un détour vers le frigo qu'elle ouvrait déjà les cuissent avec désinvolture. Je me sentais son photographe d'amant avec une bière en guise d'appareil.

Je ne sais si je l'ai bu... Dans le cas contraire ce serait une connerie.

Je me souviens juste de la pénombre qui enveloppait son corps telle une feuille de "rizzla" le tabac. Je n'osais la brusquer de peur qu'elle déborde encore d'envie car je n'en pouvais plus. Marco m'avait offert trois tournées et moi six comme d'habitude... Je ne serais plus opérationnel.

Je me souviens aussi de ces rayons de soleil agressifs qui transperçaient les rideaux bleus léchant ses seins, leur donnant une allure de fruits inconnus, si délicieux.

Elle m'a regardé, de ce regard qui vous ferait tomber un oiseau du nid, un paille-en-queue de la falaise. Sur le moment, je ne saurais dire si elle me gratifiait de tout son amour ou de sa haine.
Cette impassibilité qui fait que le plus audacieux n'ose dire mot.

Mes nuits sans elle... et les siennes sans moi. Mes soirées sans sexe... et le sien si souvent abandonné. Mes amis qui ne sont pas les siens... et les siens inconnus. Ma famile qu'elle ne connait pas... et la sienne que j'ignore...

Elle me dit qu' avant moi, les autres... les "autres" hommes voulaient découvrir le moindre voile qui recouvrait son âme... et je n'ai pas compris...
Elle me dit que ce jour est un "non-jour", un coma, une pause pour que l'on oublie la douleur... et je n'ai pas compris.

Je me sentais bien... vidé... J'avais dégueulé mon trop plein d'alcool et la fumée que je rejettais me dévoilait encore son visage entre la crispation et le plaisir. Toute nue à mes côtés elle était encore toute chaude... c'est le froid de son regard qui me révéla la gravité de la situation.

Le temps d'écraser ma cigarette et je n'étais plus à elle.

Je venais de perdre cette femme... Sans rien, je me retrouve dans un appartement vide de sentiments.

Au bistrot Marco me dit que ce soir tout est pour lui...

Et moi je ne trouve aucun goût à cette bière...

_ "Joe ta bière est dégueulasse"...

Il m'emmerde... Je le savais... et pourtant ce soir cela me touche...

Comme la tournée du patron... comme ce reportage animalier sur les baleines à bosse... Comme cette photo de nous au pied du volcan...

J'avais oublié ce sourire...


Arto Joe

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09 juin 2006

Contre toute attente

Ce bon vieux fauteuil n'est plus très confortable, à dire vrai il ne l'a jamais vraiment été.

Comme souvent c'est le coup de coeur qui influe sur la qualité... c'est vrai pour tout... parfois nous le regrettons et d'autre fois nous acceptons les défauts.

Ce fauteuil de bois trône dans mon salon à la même place depuis... je ne sais plus quand.

J'y suis assis.
A ma droite une table basse supporte une bouteille de whisky, un verre remplit au tiers, une coupelle où a fondu des glaçons, un paquet de cigarettes, un briquet, un cendrier dans lequel des cendres froides puent, un magazine télé et un bouquin "Survivant" de Chuck Palahniuk.
Un titre évocateur... ne sommes nous pas tous des survivants tant que nous faisons de nos demains un présent ?
A ma gauche une petite table. Elle ne supporte plus rien. Elle voudrait même faillir.
Face à moi posé sur son meuble un poste de télévision ne reflète que mon image désabusée dans ce cadre irréel et intemporel qu'est devenu cet endroit.

Je me questionne :
Qu'est-ce que je peux bien attendre assis dans ce fauteuil ?
Je ne trouve pas de réponses.

Je suis assis ce soir comme tous les soirs depuis... Je ne sais plus quand.
Ce salon est devenu un précipice qui me regarde choir. Une pièce où chaque objet n'est que le reflet de ma perte. Une perdition solitaire et pourtant immatériel.

Alors :
Qu'est-ce que je peux bien attendre assis dans ce fauteuil ?
Je ne trouve pas de réponses.

L'halogène dans son coin ne brille plus que par son inutilité, elle ne fait plus rempart à l'obscurité qui m'attaque. C'est peut-être mieux ainsi. C'est la lune, la même qui éclaire votre ciel sombre qui m'enveloppe de ce voile suspect.
Des livres se meurent dans la bibliothèque poussièreuse à en faire trépasser un asthmatique.
Mon meuble de coin est le mouroir de mes souvenirs. Il ose faire tenir encore debout des photos qui dévoilent un temps révolu, des bibelots moches aujourd'hui mais si beaux hier et mon vide poche qui comme mes espoirs reste désespérément vide même de futilités.

Alors :
Qu'est-ce que je peux bien attendre assis dans ce fauteuil ?
Que le temps se remette en marche et que l'éternité s'active de me trouver une fin... digne.
Mon manteau immobile suspendu près de l'entrée a la forme d'un corps pendu... sans tête. Oui ! vision inconvenante d'un esprit sans corps mouvant. Le reflet de mon état actuel.
Ce n'est pas une dépression ni une crise d'angoisse non !

Je vais vous donner la réponse de ce lamentable martèlement.
Qu'est-ce que je peux bien attendre dans ce fauteuil ?
Que l'un d'entre vous viennent daigner ouvrir cette porte et trouver un endroit décent où cacher mon corps périssant dans ce fauteuil et que le temps ce bourreau sans coeur ne cesse d'enlaidir.


Arto Joe

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05 juin 2006

Ce fut en été

A l’horizon le ciel, je l’imagine, s’incline et mon cœur crache dans mes veines le venin de mes souvenirs. Je ne vois qu’une raie de lumière osant s’aventurer dans cette cage, dévoilant la crasse qui entoure ma vie désormais.
Il va faire froid ce soir, comme hier et peut-être comme au premier jour dans cette cage. J’ai l’impression d’avoir toujours eu froid dans ma nouvelle demeure. Pourtant ce fut en plein milieu de l’été, la vie s’accélère toujours en été.

Surtout ne pas y penser, d’ailleurs, j’ai tout oublié.

Impossible de me souvenir, c’est une explosion douloureuse qui détonne dans mon crâne meurtrit.
Mais ce fut en été, de cela j’en suis persuadé.
J’ai perdu la notion du temps.

L'Homme a même réussit à un mettre un nom sur cette notion qui n'est ni plus ni moins que l'avancé vers sa propre fin. Il compte le temps des damnés d'avant lui et envisage même celui des pauvres gens à naître.
L'Homme se confond tellement dans une recherche effrénée - de quoi personne ne le sait vraiment - peut-être est-ce l'immortalité ?
Le temps pour moi n’est plus une référence désormais.
Et absence de temps est éternité, un éternel présent.
Rien de plus important que les courtes minutes d’illuminations que je savoure comme autant de perles éphémères.

Il m'a fallut fuir.
Fuir ma vie, mon passé et même mon futur car désormais je n'aurais plus de lendemains.
Je me suis trouvé cette tanière perdu dans les bois entre deux flancs de montagnes.
Résidences d'oiseaux pêcheurs, d'arbres résineux, de pierres volcaniques et de bestioles rampantes.
J'observe ces deux versants montagneux qui un jour se rejoindrons peut-être.
Et les images qui me viennent ne sont ni plus ni moins que l'extrapolation de ma condition mentale.
Je les imagines se refermer comme une énorme bouche m'avalant dans ce qui sera ma dernière demeure, les tréfonds de la terre. L'éternel nuit de l'enfer.
Car le crime est un pêché.

Ma misérable demeure de feuillages et de branchages est exposée vers l’ouest, je ne profite guère des quelques minutes de soleil car il se couche tôt dans ce pays, surtout en cette période. A peine a t-il atteint son point culminant haut dans le ciel que le voilà qui sombre déjà dans un horizon rougeoyant. Ne me reste que quelques rayons rouges sanguins, habillant d’une couleur vive et fugitive le lit languissant de la rivière en contrebas. Extropolation du lit de mon amour ensanglanté.


Vous comprenez ma fuite à présent.
Vous comprenez mon immortalité. L'extrapolation de mes demains qui jamais ne connaitrons le repos même au-delà de cette vie. Car l'on reçoit en retour d'un amour assassiné un éternel hiver de solitude.
Une errance sans fin.
Pourquoi faut-il que les souvenirs soient gris ?
Ce mélange de noir et blanc, deux extrémités en continuelle lutte.
Comme celle du bien contre le mal, de la lumière contre l’obscurité, de la vie contre la mort, de l’amour contre …… la mort, aussi.



Arto Joe

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03 juin 2006

Ce soir je ne rentrerai pas (Suite et fin)

Après mon troisième verre mon cerveau est effaré et tout autour de moi se trouble et se lance dans une ronde vertigineuse. Pour intensifier cet effet qui, je sais, pourrait me rendre malade je m’allonge sur le dos et fixe "Robert Smith" que j’ai encadré sur le mur à côté de la fenêtre.
Il se trouble et tourne dans tout les sens.
Lorsqu’il se stabilise je ferme les yeux pour que dans ma tête tout se chamboule de nouveau.

J’ai envie de musique, mais aussi de silence. Je pense à lui et maudit la solitude.
Je bois un verre, enclenche le lecteur de CD.
Ouf ! Il fonctionne et c’est « Stolen Season » de The 69 Eyes.
J’adore !
Musique sombre et romantique, comme celui en qui je vois mon amour. Je le mets juste en musique de fond, si bien que j’entends le tonnerre et de nouveau la pluie, qui jusque là s’était calmé, redoublait d’intensité. La musique se mêle à la mélodie de la pluie qui frappe avec force le rideau en P.V.C.

Un cinquième ?
Ce ne serait pas raisonnable.
Je me laisse tenter ou pas ?
Après tout, ce soir il ne rentrera pas.

Mes paupières sont lourdes, la musique flotte au dessus de ma tête. Le dos contre le mur glacé sur ma peau chaude et humide m’arrache des frissons, ma tête lourde et agitée tombe comme un poids. Il me manque quelque chose, une présence, une chaleur autre que ces émanations alcooliques.
La chaleur d’un corps, tout simplement.
Ma vie ne connaît pas le calme du printemps, ni la chaleur intense de l’été ; elle n’est que la tristesse de l’automne et la solitude de l’hiver.
Mon corps depuis longtemps ne s’épanouit plus au rythme des saisons, mes sentiments sont en hibernations.

******************************

Le ciel ne m’en voulait plus, il me narguait juste de ses gouttes que finalement je recommençais à apprécier.
C’est en me déplaçant dans des rues parfois agitées, parfois d’un calme impressionnant que je me suis retrouvé dans le vieux quartier. Ces vieilles rues me rappellent ma jeunesse.
Ces rues étroites et sombres en font des lieux de vente de produits illicites et sont désignés, à tort, comme de véritables coupes gorges.
Ce soir les ruelles sont calmes.

Je m’adosse, épuisé au pied d’une fenêtre, et je me laisse glisser au sol. Mon état n’est pas stationnaire comme mon corps immobile. Mon esprit se lance dans une danse qui ne connaît pas d’équivalent, une danse sphérique. Une danse dont la mesure serait battue par le tonnerre, la mélodie par la pluie sur le sol et le tout serait interprété par le souffle du vent.

************************

J’imagine la rue dans mon dos trempée par la pluie, vide à cette heure-ci ou peut-être que Pierre le tatoué attend un client potentiel sous son porche à qui il refourguerait sa merde sans effet, tellement coupée. Je me réjouis à l’idée que lui et son "shit" dégouline.

***********************

Un jeune homme se dirige vers moi.
Son allure sous sa capuche me donne des frissons, c’est exactement la même image que j’ai gardé de tous ces films représentant des membres du K.K.K semant la terreur dans une Amérique débile, de l’époque.
Est-elle moins débile aujourd’hui et le sera-t-elle moins dans dix ans ?
Maintenant, ce sont toutes ces gueules fines renfermant des cerveaux illuminées qui m’effraient.
Le jeune homme s’arrête un moment devant moi, il m’observe un instant avant de me demander si c’est moi qui attend pour la commande.
Je lui réponds qu’il faisait erreur sur la personne mais s’il avait une boisson alcoolisée quelconque je ne serais pas contre.
Il me répond que non et que je pouvais aller me faire foutre sale clodo que j’étais.
Je ne voulais pas lui coller mon poing dans la gueule à ce petit con. Alors, je n’ai rien répondu. Je me suis toujours demander pourquoi les dealers ne faisait pas dans l'alcool, cela serait pourtant tout aussi lucratif, ils font bien des cigarettes à plus bas prix, un bon Jack’s à prix sacrifié se vendrait comme des p’tits pains me dis-je naïvement.
Il se tenait toujours tout près de moi en se demandant ce que faisait le con qui devait lui acheter sa merde, c’est tout du moins la traduction que je me faisais de "shit".

************************

Qu’est-ce qu’il fout ? Il n’est pas à l’heure ce soir.
Et c’est là que je me mets à rire idiotement, tout cet alcool y est pour beaucoup, allez au point où j’en suis un autre verre ne pourrait me faire que du bien.
Pourquoi n’ouvre t-il pas cette putain de porte ?
Je suis toute prête pour lui.
Pourquoi ne vient-il pas me serrer dans ses bras ?
Je suis toute ouverte pour l’accueillir.
Pourquoi son image m’est si floue ?
Je suis toute claire pour abreuver ses sens.
Pourquoi faut-il que l’amour soit si désirable ?
Je suis toute séduisante moi aussi.
Pourquoi ne vient-il pas m’aider à vivre, tout simplement ?
Je suis toute faible face à ce grand vide qui m’entoure.

***********************

"Ça ne te dit rien un p’tit voyage dans les étoiles ce soir, toi." me lance le jeune homme qui commençait à s’agiter à mes côtés.
"Ce soir les étoiles sont voilées" lui dis-je, il n’a pas comprit.
Pourquoi se donnait-il tant de mal à attendre un acheteur, comme si cela déterminait sa vie, il fallait qu’il vende à tout prix, sous une pluie battante, dans un froid agressif ou dans une chaleur infernale, il attendait impatiemment d’écouler sa marchandise. Il avait fait de sa vie le sauveur des camés, cela lui donnait de l’importance. Comme un résistant attendant un camarade pour lui refourguer des armes contre l’ennemi, lui attendait son junkie pour lui refourguer ses armes contre la vie.
Je l’ai admiré un instant.
Mais d’un coup il m’est apparut à l'image d'un traître, comme il y en avait tant à cette époque pas si lointaine que cela.

**********************

Pourquoi faut-il que j’espère encore ?
Je suis toute consciente que ce soir il ne rentrera pas.

**********************

Tout d’un coup un cri a percuté contre les murs de la ruelle, se répandant en écho d’un bâtiment opposé à l’autre comme une balle de tennis d’une partie du cours à l’autre.
Le jeune homme se figea et moi aussi. Le cri semblait être sorti juste dans mon dos. Je me suis levé raide comme un piquet, qu’est-ce que c’est que ce bordel ? Je lance après avoir retrouvé ma voix.

Le jeune homme ne répond pas tout de suite. Il lui faut un moment pour se rendre compte de la gravitée de ce cri.
Car il y a, il est vrai, cri et cri.
Cela peut-être un cri de colère comme on peut entendre dans tous type de dispute, cela reste sans graves conséquences dans la plus part des cas.
Puis il y a le cri de désespoir, celui-là est le plus souvent inaudible car il se hurle dans l’intimité de son propre corps.
Et il y a le cri final, celui qui se lance dans une ultime révolte définitive.
Et c’était bien celui-là que l’on venait d’entendre dans mon dos.
On s’est regardé le dealer et moi, puis je m’en suis allé en lui tapotant l’épaule.
Il se retourne et me gueule dessus pour ma lâcheté.
"Mais où tu vas, t’as entendu, il faut qu’on aille voir ce qui se passe."
Ce revendeur d’espoir futile avait une conscience, je n’y croyais pas.
Je me suis retourné et je lui ai dit sans le brusquer :
" Rentres chez toi, quelqu’un a sûrement prévenu les secours déjà, les flics risquent de se pointer aussi. "


Ce qui est sûr, c’est que ce soir, par cette nuit humide et froide, moi, je ne rentrerai pas.



Arto Joe

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